Epilogue


Epilogue



- Bilan après ces 6 mois de voyage -

Nous avons atterri mardi 28 février au petit matin, à l’aéroport de Toulouse-Blagnac, terminus de notre périple. "Atterri" était le mot exact. Encore abasourdis par le voyage, par les longues escales à Bangkok, Shanghai et Paris, par les longues heures passées dans l’avion et les terminaux au milieu des chinois sans gêne (oui, ils arrivent encore à nous étonner), par les souvenirs qui se bousculent, nous retrouvons notre comité d’accueil venu nous saluer avant de filer au boulot (merci les amis!).

- “Mais ils sont où vos bagages?”

- “A Paris, eux aussi ont eu envie de poursuivre le voyage et visiter un peu la capitale, ils rentreront dans quelques jours!”

 

Dans la voiture, Toulouse défile sous nos yeux ébahis. L’odeur de l’hiver nous emplit les narines alors que nous nous extasions devant les quelques arbres en fleur. On se sent bien ici aussi finalement.

Puis, doux retour à la réalité. On retrouve (trop) vite nos marques. Après quelques jours de léthargie, on reprend doucement nos habitudes. ”Tiens, on dirait que rien n’a changé en 6 mois”... Mais tu t’attendais à quoi?!? À être dépaysé, comme à chaque passage de frontière, comme à chaque nouvelle région. Non, ici, on connaît les codes, tout est bien trop facile, on n’est même pas perdus. Mince, on aimait bien ce sentiment nous… Mais ça y est, c’est fini. Le compteur s’est arrêté à 6851 km. Nous aurions aimé continuer encore, un peu, beaucoup… mais notre vie Toulousaine devait reprendre son cours… La parenthèse se referme.

Alors, c'était bien?

Ce périple à vélo a été une expérience incroyablement riche et intense pour nous. A l’heure du retour, voici un bilan un peu plus personnel sur ces 6 derniers mois.

Alors, le vélo?

Pour Nico, ce n’était même pas une question, il était déjà convaincu. Pour Élise, qui n'avait pas que des bons souvenirs de vélo en montagne, c’était un peu un pari. Contre toute attente, elle a désormais du mal à imaginer nos prochaines escapades sans nos montures préférées! Elle a même eu du mal à tenir le coup au retour et s’est racheté un vélo après seulement 3 jours de boulot (Solution temporaire en attendant le retour du sien! Elle n’envisagerait même pas lui être infidèle après tout ce qu’ils ont vécu ensemble). C’est pour dire!

 

Et pour cause, le vélo impose un rythme de voyage parfait : on avance tout en profitant des paysages, de la vie foisonnante des bords de route, libres d’aller où bon nous semble, de changer d’itinéraire au gré des rencontres et des envies. Pas d’horaires, pas de contraintes, on avance à notre rythme, plus ou moins soutenu, plus ou moins longtemps selon l’envie, la forme physique, le terrain ou les conditions. Évidemment, on n’avance pas à la vitesse d’un bus, d’un train ou d’une voiture, mais on avance suffisamment vite pour découvrir de vastes régions. N’ayons pas peur de le dire, le vélo nous a procuré un incroyable sentiment de liberté et de bien-être ! (sauf à 4700 m, par -2°C avec un vent de face et de la neige… là on se sent juste vivant! Mais c’est déjà pas si mal!).

Autre avantage considérable pour nous : le vélo est un formidable moyen de provoquer la rencontre ! On sent souvent l’intérêt ou la curiosité des gens décupler lors de notre passage. Les têtes se tournent, des sourires apparaissent, parfois des encouragements et très souvent un simple « bonjour! » dans la langue locale ! Si on s’arrête, les questions fusent, les visages miment l’étonnement, voire l’incompréhension lorsque l’on expose tout le chemin parcouru. La reconnaissance de l’effort accompli nous remplit de joie et nous pousse encore à avancer. Tout comme les nombreux gestes de solidarité : on nous a souvent offert de l’eau, de la nourriture, un toit, un pouce levé qui sort de la fenêtre d’une voiture en train de nous dépasser, des millions de coups de klaxon d’encouragement (bon, ça on aime moins!), des sourires, tous ces sourires…

Il nous a aussi donné l’occasion d’incroyables bivouacs… Et nous sommes fiers de nous souvenir de chacune de ces 180 nuits!

En vrac, parmi les plus mémorables : nous avons dormi dans une salle de classe en Chine, au bord de superbes lacs au Kirghizistan, au bord d’une plage Thaïlandaise, dans un train de 37h en Chine, dans une plantation de café au Laos, dans des monastères bouddhistes, dans les steppes tibétaines à plus de 4000 m, sous une paillote en bord de route au Laos (peut être notre pire nuit sous tente), sous de magnifiques ciels étoilés, sur un terrain de foot en Thaïlande, face aux Pamirs au Kirghizistan, dans un monastère en Birmanie, au milieu des yaks… et tant d’autres encore!


Alors, l'Asie?

On ne pensait pas qu’on aurait une préférence, mais il faut se rendre à l’évidence, nous avons eu un énorme coup de cœur pour certaines régions qui nous ont plus fait vibrer que les autres. Le Kirghizistan tout d’abord, le premier pays de notre périple. Peut être est-ce l’excitation et l’insouciance du début? Pas de contrainte, pas de limite, la liberté totale! Difficile d’en partir. Et puis il y a eu la Chine. Loin de la Chine que l’on imaginait, nous avons découvert dans les régions de l’ouest (Xinjiang, Qinghai, Sichuan et Yunnan) des paysages et des cultures fascinants et tellement différents. Nous sommes tombés sous le charme du peuple tibétain et de leurs montagnes. Malgré la dureté du climat et les difficultés du terrain, c’est bien au Sichuan que notre cœur est resté.

 

Les pics karstiques du nord Vietnam et du Laos, les cascades rafraîchissantes du Mékong, les plages de sable blanc de Thaïlande, la multitude de temples bouddhistes, tous plus majestueux les uns que les autres du sud-est asiatique n’ont pas réussi à nous envoûter autant que les hauts plateaux tibétains. Bien sûr, nous avons aimé l’Asie du sud-est, nous rêvions d’y aller et nous ne le regrettons pas une seconde. Mais l’Asie du sud-est, c’est aussi une densité de population beaucoup plus élevée, un tourisme très développé (trop à notre goût), des terrains quasi-totalement exploités, des identités plus semblables (excepté peut être le Vietnam et la Birmanie qui se démarquent un peu plus). En bref, ce qui nous a manqué, c’est pédaler dans l’immensité, les grands espaces plus sauvages, la tranquillité, voyager hors des sentiers battus et découvrir des régions encore peu (ou pas) polluées par le tourisme!

Ce voyage nous a permis d’ouvrir les yeux sur ce qui nous entoure, de prendre conscience, par exemple, du confort et de l’opulence dans lesquels nous vivons, du luxe d’avoir accès à l’électricité et l’eau potable, de la chance que nous avons d’être éduqués, d'être libres de s'exprimer, d’être européens, et surtout français. Plein de jeunes gens rencontrés auraient voulu faire le voyage dans l’autre sens, vers l’Europe. Et si pour nous, faire une demande de visa pour la Chine s’est avéré une vraie épreuve, pour eux l’obtention d’un visa touristique Schengen est souvent mission impossible. Être né quelque part…

Alors, la vie de couple?

Côté personnel, voyager à vélo et au long cours a demandé une réorganisation dans nos habitudes de couple. Durant le voyage, il n'y a pas une journée où nous soyons séparés : pas d’activités personnelles, pas de bulle d'intimité, pas d'échappatoire. On partage tout. Il a fallu s'adapter pour trouver un nouvel équilibre dans cette vie à deux. Pas évident, dans un environnement que nous devons également apprivoiser. La fatigue aidant, il y a parfois des moments de tension, des ras le bol,... mais au final, après ces longs mois sur la route, notre couple s’est transformé en véritable équipe. Très vite, chacun a trouvé sa place et son rôle dans cette épopée quotidienne! Une routine bien huilée qui s’est mise en place naturellement et qui nous offre des repères nécessaires dans ce quotidien nomade.

 

Cela nous a notamment permis d’acquérir bon nombre de compétences qui seront valorisables dans la société. Voici donc les nouveaux éléments qui viendront garnir notre CV et vous donneront un aperçu de cette fameuse répartition des tâches du quotidien :

  •  Réparateur en chef : contrôleur qualité et entretien des pièces d’usure;
  • Mécanicien cycles
  • Responsable réchaud, feu et égouttage de popote;
  • Monteur de tente et planteur de piquets (tous types de sols);
  • Spécialiste itinéraire
  • Porteur de vélo;
  • Top chef nouilles chinoises;
  • Responsable de l’approvisionnement, du conditionnement et des stocks alimentaires;
  • Éditorialiste en chef
  • Sélection, contrôle et répartition des en-cas et petits gâteaux;
  • Responsable gestion et acheminement des déchets;
  • Coupeuse de légumes et préparation des assaisonnements;
  • Responsable carnets de voyage;
  • Architecte et décoratrice d’intérieur (pour aménagement de la suite nuptiale);
  • Chargée de communication;
  • Spécialiste géolocalisation et gps;
  • Expert comptable;
  • Web designer
  • Rédacteur en chef

Alors, cap ou pas cap?

Avant le départ, vous nous aviez lancé tout un tas de défis pour pimenter notre voyage. Nous avons fait notre possible pour en réaliser un maximum, et on doit dire qu'on s'est plutôt régalés (sauf avec le lait de jument fermenté, là on s'est un peu forcés ;) Malgré tout, certains n'ont pas pu être réalisés, soit parce qu'ils sont passés aux oubliettes , soit parce qu'ils étaient irréalisables (certains n'ont pas compris le concept du voyage à vélo et se sont obstinés à vouloir nous faire faire des courses en tuk-tuk), soit parce que nous avons tout simplement échoué.

 

Quoi qu'il en soit, vous pouvez retrouver toutes les photos sur la page des défis.

Alors, pas trop dur le retour?!

Ahhh, la question que tout le monde nous pose! Dans la liste des questions les plus ressassées du retour, celle-là prétendrait certainement à la première place. Alors, comment dire??? Oui... et non.

 

Les longs voyages bousculent le quotidien. Chaque jour apporte son lot de découvertes, de rencontres et de surprises qui rend la vie trépidante. Nous nous sommes vite adaptés à ce rythme de vie nomade. Quel plaisir de vivre au jour le jour, d'écouter son horloge biologique et d'avoir des préoccupations beaucoup plus terre-à-terre, centrées sur l'essentiel : dégoter une jolie route, trouver un bon bivouac et (bien) manger.

 

On se réveillait depuis des mois en se demandant ce qu’on allait découvrir, voir ou faire mais, brusquement, tout s'arrête. Nous reprenons nos marques comme si les mois écoulés n’avaient pas réellement existé. Nous sommes instantanément replongés dans une toute autre réalité, où les journées et les semaines se ressemblent, où les médias nous assomment des derniers rebondissements politiques et où les amis nous demandent de planifier un weekend dans 4 mois. Mais où sont passées l'insouciance et l'improvisation? 

 

Malgré tous ces sentiments qui se bousculent, nous sommes contents de rentrer. Le fait est que nous ne sommes pas partis pour fuir quoi que ce soit, nous avions juste eu une irrésistible envie d’aller voir comment cela se passe ailleurs, et notre date de retour faisait partie des règles du jeu. Ainsi, nous nous y préparions depuis longtemps et le retour en lui-même a été plutôt agréable : retrouver ses proches, ses repères, son confort, pouvoir de nouveau communiquer sans difficultés,... sans parler de la bouffe et de tous les plaisirs sédentaires retrouvés! 

Et si c'était à refaire?

On signe direct et on (re)part demain! Et on va en Asie centrale! Ou en Amérique du sud. Ou en Europe du nord. Ou en Nouvelle-Zélande. Ou en Europe de l’est. Ou en France… Bref, les idées, c’est pas ce qui manque!

La traversée de l'Asie en chiffres

  • 6851 km
  • 458 h sur la selle d’Elise, 448 h sur celle de Nico
  • 60 032 m de dénivelé total dont un tiers rien qu'en Chine
  • 180 jours de voyage
  • 104 jours de vélo
  • 7 pays traversés
  • 1 million de souvenirs
  • 47 nuits sous la tente
  • 6h59 : journée la plus longue (après Shaxi dans le Yunnan, pour 98 km et 915 m de dénivelé)
  • Journée la plus dure : les 51 km de piste toute pourrie pour monter à l'avant dernier col avant Shangri-La dans le Yunnan : on a fait du stop après 31 km, 900m de dénivelé et 4h23 de tape-cul.
  • Record de vitesse : 65 km/h en Thaïlande pour Nico et 57 km/h au Kirghizistan pour Élise.
  • 3,5 km/h notre vitesse la plus basse : sur les pistes Kirghizes ou dans les cotes thaïlandaises... plus lent on tombe!
  • 117 km notre distance la plus longue pour arriver à Ko Chang, en Thaïlande (avec 1000 m de dénivelé et en 6h56)
  • Aucune crevaison!!

Le mot de la fin

Un grand merci à tous ceux qui ont rendu cette aventure possible, qui ont participé de près ou de loin à sa préparation et à sa réalisation, à toutes ces belles rencontres, ces sourires qui nous ont mis du baume au cœur dans les moments difficiles, à tous ceux qui ont croisé notre route et qui l’ont rendue un peu plus belle, à ces cyclos qui ont partagé avec nous quelques mots, quelques km ou quelques jours,...

Mais surtout, nous tenons à vous remercier, vous, chers lecteurs, proches ou moins proches, occasionnels ou assidus, pour avoir suivi nos aventures pendant ces mois un peu fous pour nous. Votre soutien inconditionnel et vos messages nous ont porté, et réchauffé le cœur! Il nous fallait bien ça parfois pour appuyer un peu plus fort sur les pédales.

 

De notre côté, nous avons pris beaucoup de plaisir à écrire ce blog, même si ça nous a finalement demandé pas mal de temps (“je t’avais prévenue”, répondraient certains) et a été parfois (souvent) une sacré prise de tête pour mettre les articles en ligne, du fait des connexions pourries (mention spéciale aux Chinois) ou de la tablette pas toujours si pratique.

 

Nous espérons que nos récits vous auront donné l’envie de découvrir par vous-mêmes ces contrées éloignées !

 

Pour nous, il est maintenant temps de tourner la page et d’avancer. Nous avons eu pas mal le temps de cogiter sur la route. De nouveaux projets sont nés, ont mûris et même motivé notre retour à la maison. Un nouveau chapitre s’ouvre, de nouvelles aventures en perspective...

 

S’il fallait conclure… alors on a envie de finir en vous disant de vous jeter à l’eau vous aussi, si nous l’avons fait c’est que tout le monde peut le faire!

Vivez vos rêves, voyagez, à vélo, à moto, à pied, en trottinette, au bout du monde ou à 2 pas de chez vous...

 

Vivre toute cette aventure avec celui ou celle qu’on aime est un immense privilège. Comme celui de connaître le bonheur d’être en route.

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